[Article LinkedIn] Kamala Harris : après la défaite, en route vers 2028 ?

Article publié le 7 novembre 2024 sur ma page LinkedIn.

"Quand on se bat, on gagne. Parfois, le combat prend juste un peu plus de temps."

Ces mots, prononcés hier par Kamala Harris dans son discours de concession, résonnent moins comme un adieu que comme une promesse d'avenir. À 60 ans, la première femme vice-présidente des États-Unis vient de subir une défaite significative face à Donald Trump. Mais son discours, savamment construit, semble déjà poser les jalons d'un retour.

Une campagne éclair face à l'inévitable Trump

Contrairement à son adversaire, qui avait annoncé sa candidature dès novembre 2022, Harris n'a disposé que de quelques mois pour construire sa campagne. L'attente du retrait de Joe Biden, officialisé seulement le 21 juillet 2024, l'a contrainte à une course contre la montre. Investie le 5 août par le parti démocrate, elle a dû porter à la fois le poids du bilan Biden - marqué par une inflation persistante et l'échec des négociations sur l'immigration - et celui de sa propre image, parfois floue aux yeux des Américains.

Le paradoxe Harris : entre authenticité et adaptabilité

Son parcours politique illustre la complexité de son positionnement : procureure "dure" en Californie (surnommée "Copala"), puis figure progressiste lors des primaires de 2020, avant un retour au centre durant cette campagne présidentielle. Cette trajectoire, que ses opposants ont dépeinte comme de l'opportunisme, contrastait avec "l'authenticité" revendiquée de Trump, même dans ses outrances.

Un discours de défaite qui ressemble à un manifeste

Le texte prononcé hier par Harris mérite une attention particulière. Au-delà des traditionnels appels à l'unité et à la transition pacifique du pouvoir, il dessine une stratégie politique pour les années à venir. "La lumière de la promesse de l'Amérique brillera toujours", a-t-elle déclaré, développant une métaphore filée entre obscurité et espoir qui structure l'ensemble de son propos.

Particulièrement notable est son attention aux jeunes militants démocrates. "C'est bien de se sentir triste et déçu, mais sachez que tout ira bien", leur a-t-elle dit, endossant ce rôle de "Momala" (surnom né de sa position de belle-mère attentive) qui contraste avec la masculinité agressive de la campagne trumpiste.

2028 : un horizon déjà visible

Si les retours en politique après une défaite présidentielle sont rares - Trump étant l'exception qui confirme la règle - plusieurs éléments suggèrent que Harris se projette déjà vers 2028. Dans un paysage politique où les septuagénaires et octogénaires dominent encore, ses 60 ans apparaissent presque comme un atout de jeunesse. Elle reste également la seule personnalité politique à avoir l'expérience des trois branches du gouvernement (judiciaire, législative, exécutive).

Son appel à "retrousser nos manches, nous organiser, mobiliser et rester engagés" sonne moins comme une conclusion que comme le début d'une nouvelle phase. Face à un Donald Trump qui aura 82 ans en 2028, et dont le successeur au sein du GOP reste incertain (JD Vance ? Ivanka Trump ? Nikki Haley ?), Harris pourrait incarner une alternative générationnelle crédible.

Les défis ne manquent pas : reconquérir l'électorat hispanique et afro-américain masculin qui s'est éloigné des démocrates, renforcer son image d'authenticité, construire un message qui dépasse la seule question des droits des femmes. Mais avec les élections de mi-mandat de 2026 comme première étape, elle dispose d'un calendrier politique favorable pour se reconstruire.

"Ne renoncez jamais", a-t-elle répété hier. Un message qui pourrait tout aussi bien s'adresser à elle-même qu'à ses supporters. Dans un pays où les cycles électoraux sont courts et la résilience politique une vertu cardinale, Kamala Harris semble avoir déjà commencé sa prochaine campagne.

Rendez-vous dans quatre ans pour vérifier cette hypothèse.

Suivant
Suivant

[Article LinkedIn] Repenser nos territoires : un impératif pour une transition écologique et sociale réussie